[Suite de la page Accueil]           …musique, écœurement jusqu’à la haine de soi devant les tempêtes d’amour que soulèvent chacune de ses apparitions publiques et privées. C'est le récit — vrai, détaillé, précis, à peine romancé — de ces jours et de ces nuits du printemps 1975, et leurs conséquences. Parmi celles-ci l'enregistrement de Desire (One More Cup Of Coffee, Isis, etc.) par Bob Dylan sitôt rentré à New York.

Prétexte donc à une méditation itinérante sur la distance qui sépare un jeune Français revenu vivant du voyage en Inde et “ l’un des plus grands poètes américains des XXe et XXIe siècles, doué d’un immense talent de compositeur et de musicien et d’une voix que personne n’a jamais pu imiter, et qui avant vingt-cinq ans avait déjà atteint une telle célébrité qu’il fallut pour l’avenir repenser la notion de célébrité ”.
Vacciné contre la renommée, Robert Martin se jure de rester un inconnu — d’où son pseudonyme ? —, on ne le verra pas à la télévision, on ne l’entendra pas à la radio. C’est dommage. Dix jours avec Bob Dylan révèle un vrai talent littéraire, un art du récit, nourri d’érudites digressions littéraires, scientifiques, philosophiques. Sa métaphore de la parallaxe, est-elle une allusion à l’ouvrage de Slavoj Žižek ? Il n’en dit mot. On voit bien qu’il outrepasse à grandes enjambées les strictes limites du champ des dylanologistes.
L’ouvrage chemine méthodiquement, prenant appui sur les auteurs, les penseurs, les artistes qui croisent son chemin. J’en ai dressé la liste : Debord et Vaneigem donc, le premier Stendhal qui s’avance masqué, la Bible, Cézanne (R. Martin prétend avoir percé le mystère des Grandes Baigneuses), Lautréamont, Rimbaud, le mathématicien Giuseppe Peano, Bruce Chatwin " lui aussi chaussé de vent ”, Jacques Lacan, Giacomo Leopardi et le rare et précieux Jean-François Bory (ne pas confondre avec Jean-Louis Bory) qu’ignore scandaleusement la critique depuis une cinquantaine d’années.
Mais ce qui tient le récit de Robert Martin n’apparaît pas à la première lecture. Son écriture semble articulée par une mécanique de significations et de concepts, jouant sur les langues, le chinois, l’hébreux, le provençal (!) et peut-être même y trouvera-t-on une articulation entre les articulations elles-mêmes. Je laisse à ses lecteurs le soin de la découvrir.
— Sophie Beaucaire